Et si l’âge ne voulait plus rien dire ? Quelle est la vraie mesure du vieillissement ?

L’âge inscrit sur une carte d’identité ne dit pas tout, loin de là ! C’est l’un des enseignements clés que souligne le Professeur Antoine Piau, directeur médical, éthique et innovation en santé du groupe Clariane. Il nous invite à dépasser les apparences pour mieux comprendre ce qu’est réellement le vieillissement. Car derrière l’âge chronologique se cache une réalité plus complexe : celle de l’âge biologique, reflet de notre véritable état de santé. Ensemble, explorons ce concept, encore trop méconnu mais essentiel pour penser l’accompagnement du grand âge autrement.
L’émergence d’une approche globale du vieillissement
Dans les années 1980, la gériatrie connaît une première révolution avec l’introduction de l’évaluation gérontologique globale. Plutôt que de traiter uniquement les maladies, cette approche invite à considérer la personne dans son ensemble : mémoire, nutrition, mobilité, équilibre psychologique... Elle marque un tournant décisif : soigner devient alors synonyme d’accompagner toutes les dimensions du vieillissement, bien au-delà de l’organe malade.
La deuxième révolution : comprendre la fragilité
Mais une question restait sans réponse : pourquoi, à âge égal, deux personnes réagissent-elles différemment à une même situation ? Pourquoi l’une récupère-t-elle après une fracture, quand l’autre entre dans une spirale de perte d’autonomie ? Longtemps, on a parlé de « syndrome de glissement », sans en connaître les causes exactes.
C’est au début des années 2000 que la chercheuse Linda Fried apporte un nouvel éclairage avec le concept de fragilité. Elle identifie cinq indicateurs prédictifs d’un risque accru de dépendance : une marche ralentie, une perte de poids involontaire, une fatigue ressentie, une baisse de la force musculaire et une diminution de l’activité physique quotidienne. Une personne présentant au moins trois de ces signes est considérée comme fragile. Elle est encore autonome, mais vulnérable. Cela explique alors un déclin en apparence brutal pour un stress (infection virale, chute, déménagement) minime.
Fragilité, robustesse, dépendance : trois profils pour mieux agir
Cette découverte permet de distinguer trois catégories chez les personnes âgées :
- les robustes, sans signe de fragilité, au vieillissement harmonieux ;
- les fragiles, en équilibre instable, à haut risque de basculer ;
- les dépendants, qui ont déjà perdu leur autonomie.
Ce regard nouveau change profondément notre manière d’intervenir. Là où l’on attendait autrefois l’apparition d’une pathologie lourde pour agir, on peut aujourd’hui repérer les signaux faibles en amont. Cela ouvre la voie à une prévention active, capable de préserver l’autonomie plus longtemps, voire de faire reculer la dépendance.
Un indicateur simple et puissant : la vitesse de marche
Parmi les indicateurs de fragilité, un critère sort du lot : la vitesse de marche. À tel point que certains experts suggèrent de l’évaluer comme une « constante vitale », au même titre que le pouls ou la température corporelle / la fréquence respiratoire.
Pourquoi ? Parce qu’elle est prédictive de nombreux évènements péjoratifs de santé : hospitalisations, perte d’autonomie, complications post-opératoires, voire mortalité. Ce n’est pas la vitesse en elle-même qui compte, mais son évolution dans le temps. Une baisse progressive, silencieuse, peut signaler une dégradation de l’état de santé global et nécessite d’agir.
Vers une médecine plus personnalisée
En définitive, le concept de fragilité bouleverse notre rapport à l’âge. Il nous invite à passer d’une logique de traitement à une logique d’anticipation. Il redéfinit les priorités : repérer, prévenir, accompagner, plutôt que réparer trop tard. Et surtout, il pousse à personnaliser les soins en fonction des capacités réelles, fonctionnelles, et non en fonction de l’âge chronologique ou du simple empilement de diagnostics.
En intégrant l'évaluation fonctionnelle dans nos pratiques, nous pouvons identifier précocement les signes de fragilité et intervenir de manière ciblée. Cette approche proactive permet de préserver l'autonomie des personnes âgées et d'améliorer leur qualité de vie. En somme, il ne s'agit pas seulement de prolonger la vie, mais de garantir que ces années supplémentaires soient vécues dans les meilleures conditions possibles.
Et chez Clariane ? Dans le cadre de notre partenariat avec l’Institut hospitalo-universitaire de Toulouse, nous nous sommes engagés dans le déploiement du programme Icope au sein de nos cliniques Inicea de réhabilitation et de santé mentale, mais aussi de nos agences Petits-fils de la région Occitanie. Lancé fin 2019 par l’OMS, le programme ICOPE a pour objectif de prévenir la perte d’autonomie en identifiant précocement les facteurs de risque de perte d’autonomie en amont de la fragilité.
Il repose sur une approche intégrée et personnalisée, centrée sur l'évaluation et le suivi de six capacités essentielles au vieillissement en bonne santé : la mobilité, la mémoire, la nutrition, la vision, l'audition et l’état psychologique. Parce qu’il propose un dépistage précoce, le programme ICOPE est incontournable dans la prise en soins de demain.
Santé publique France Agir sur tous les déterminants de la fragilité des person…